LA MAGIE
EST LA PLUS SIMPLE DES CHOSES
Le lendemain matin, Brom parvint à se remettre en selle, et les deux compagnons repartirent.
— Pourquoi ces deux Urgals étaient-ils restés à Yazuac, à votre avis ? demanda Eragon quand ils eurent déjà bien avancé. Ils n’avaient aucune raison de s’y attarder…
— Je les soupçonne d’avoir déserté la horde pour piller la ville. Ce n’est pas surprenant. Ce qui l’est, en revanche, c’est que, à ma connaissance, les Urgals ne se sont réunis en force que deux ou trois fois au cours de leur histoire. Qu’ils le fassent de nouveau est fort inquiétant.
— Croyez-vous que les Ra’zacs en soient responsables ?
— Je l’ignore. La meilleure chose à faire est de nous éloigner de Yazuac aussi vite que possible. D’autant que nous suivons la direction empruntée par les Ra’zacs : plein sud !
Eragon acquiesça :
— Cependant, nous sommes à court de provisions. Y a-t-il une autre ville, dans les parages ?
— Non, mais Saphira peut chasser pour nous si nous devons nous contenter de viande Ce bois peut paraître petit, mais sa faune est très abondante. Le fleuve est l’unique point d’eau à des lieues à la ronde ; de sorte que la plupart des animaux qui vivent dans la plaine viennent s’y abreuver. Nous ne mourrons pas de faim.
Le garçon se taisait, satisfait de cette réponse.
Tandis qu’ils chevauchaient, des oiseaux crieurs fendaient l’air autour d’eux. Les eaux du fleuve filaient, paisibles. L’endroit était bruyant, gorgé de vie et d’énergie.
— Comment l’Urgal vous a-t-il eu ? demanda Eragon. Ça s’est passé si vite que je n’ai rien vu !
— Par manque de chance, vraiment, grommela Bron. J’étais de taille à le combattre, alors il s’est attaqué à Feu-de-Neige. Cet idiot de cheval a rué. Ça m’a déséquilibré. L’Urgal en a profité pour me porter un bon coup.
Le conteur se caressa le menton :
— J’imagine que tu te poses encore des questions au sujet de la magie. Ta découverte présente un problème épineux. Peu de gens le savent, mais tous les Dragonniers peuvent se servir de la magie, à des degrés divers. Ils ont gardé le silence sur cette capacité, même quand leur gloire était à son zénith, car ça leur donnait un sérieux avantage sur leurs ennemis. Si d’aucuns en avaient eu vent, les Dragonniers auraient eu des rapports difficiles avec des gens « ordinaires ». Aujourd’hui, on attribue les pouvoirs magiques de Galbatorix au fait qu’il serait un sorcier ou un magicien. Ce n’est pas vrai, c’est parce qu’il est un Dragonnier.
— Quelle est la différence ? Mon aptitude à utiliser la magie ne fait-elle pas de moi un sorcier ?
— Pas du tout ! À l’instar des Ombres, un sorcier invoque les esprits pour parvenir à ses fins. Ton pouvoir est tout autre ! Tu n’es pas non plus un magicien qui ne doit ses pouvoirs ni aux esprits, ni à un dragon. Et tu n’as rien d’un chaman ou d’un ensorceleur, car tu n’as recours ni aux potions, ni aux sortilèges. Ce qui nous ramène à la question que tu as soulevée. Les apprentis Dragonniers étaient soumis à un régime très strict, destiné à renforcer leurs corps et à augmenter leur contrôle mental. Ils devaient supporter ce rythme plusieurs mois, parfois même plusieurs années, jusqu’à ce qu’ils soient assez responsables pour se servir de la magie. Avant ce moment, on ne parlait à aucun apprenti de ses pouvoirs. Si l’un ou l’une d’entre eux découvrait la magie par accident, on s’arrangeait pour lui faire subir un tutorat particulier. Néanmoins, rares étaient les Dragonniers à découvrir leur potentiel magique par eux-mêmes… Peut-être parce qu’ils n’avaient jamais à affronter une situation aussi dramatique que celle que tu viens de vivre.
Eragon fixa le vieil homme :
— Mais de quelle manière les entraînait-on à utiliser la magie, en fin de compte ? J’ai du mal à imaginer comment on peut apprendre ça à quelqu’un. Si vous aviez essayé de m’en expliquer le principe deux jours plus tôt, je n’y aurais rien compris !
— On imposait aux apprentis une série d’exercices inutiles, destinés à les exaspérer, expliqua Brom. Par exemple, on leur ordonnait de déplacer des tas de pierres uniquement avec leurs pieds ; ou de nettoyer des canalisations pleines d’eau, et autres tâches impossibles. Au bout d’un moment, ils étaient tellement irrités qu’ils recouraient à la magie – le plus souvent avec succès. Alors, on les formait. Cela signifie que tu seras désavantagé si tu dois affronter un ennemi qui a suivi cette formation. Certains sont encore en vie, bien qu’ils ne soient plus tout jeunes. Galbatorix en est un, sans parler des elfes. L’un comme les autres te détruiraient sans la moindre difficulté.
— Que puis-je faire, alors ?
— Nous n’avons pas le temps de procéder à une instruction dans les règles de l’art ; tant pis, nous pouvons quand même beaucoup progresser tout en voyageant. Je connais des techniques, que je t’enseignerai. Elles te donneront force et maîtrise de soi. Il te manquera certes la discipline que les Dragonniers acquéraient jadis ; tu devras l’apprendre sur le tas. Mais cela en vaut la peine, crois-moi.
Brom dévisagea Eragon d’un air amusé :
— Tu seras sûrement fier d’apprendre que, à ton âge, aucun Dragonnier n’avait eu recours à une magie aussi redoutable que celle dont tu t’es servi hier contre ces Urgals.
— Merci, fit Eragon en souriant. Mais cette langue ancienne que j’ai employée, a-t-elle un nom ?
Le vieil homme éclata de rire :
— Oui, mais nul ne le connaît. Ce serait un mot d’une force inimaginable. Celui qui le prononcerait contrôlerait la totalité des mots et tous ceux qui les utilisent. Beaucoup l’ont cherché… sans jamais le trouver.
— Je ne comprends toujours pas comment fonctionne la magie. Comment dois-je m’en servir, exactement ?
Brom eut l’air stupéfait :
— Je n’ai pas été clair sur ce point ?
— Non.
Le conteur respira un bon coup, puis il expliqua :
— Pour pratiquer la magie, tu dois être doté d’un pouvoir inné, qui est très peu répandu de nos jours. Tu dois également être capable de solliciter ce pouvoir à volonté. Une fois que tu l’as sollicité, tu as le choix entre l’utiliser ou le laisser filer. Compris ? Si tu choisis de l’utiliser, tu dois prononcer en langue ancienne le mot ou la phrase qui exprime ce que tu souhaites. Par exemple, si tu n’avais pas prononcé « brisingr », hier, en décochant ta flèche, rien ne serait arrivé.
— Je suis donc limité par ma connaissance de cette langue ?
— Tout à fait. D’autre part, cette magie ne permet pas la duperie.
Eragon secoua la tête :
— Je n’y crois pas. Les gens mentent tout le temps. Ce n’est pas le fait d’employer les mots anciens qui les en empêchent.
Brom leva un sourcil et dit :
— Fethrblaka, eka weohnata néiat haina ono. Blaka eom iet lam.
L’instant d’après, un oiseau quittait un branchage pour venir se percher sur la main du vieil homme. Son chant léger s’éleva tandis qu’il fixait des yeux pétillants sur les voyageurs.
— Eitha ! murmura le conteur.
Et l’oiseau s’envola.
— Comment avez-vous fait ? s’émerveilla Eragon.
— Je lui ai promis de ne pas lui faire de mal. Peut-être n’a-t-il pas saisi chaque détail ; mais, dans le langage de jadis, la signification des mots est claire. L’oiseau m’a fait confiance parce que, comme tous les animaux, il sait que celui qui parle cette langue est tenu à sa parole.
— Et les elfes la parlent ?
— Oui.
— Donc, ils ne mentent jamais ?
— Pas souvent, rectifia Brom. Ils affirment qu’ils ne mentent jamais, et, d’une certaine manière, c’est vrai, car ils ont porté à la perfection l’art de jouer avec les mots. On ne sait jamais où ils veulent en venir ; et on ne peut guère être sûr d’avoir interprété correctement leurs paroles. Bien souvent, ils ne révèlent qu’une partie de la vérité, et taisent le reste. Il faut un esprit singulièrement subtil et raffiné pour s’habituer à leurs us et coutumes…
Eragon réfléchit à cela avant de demander :
— Et les noms des gens ? Ont-ils une valeur particulière dans la langue ancienne ? Donnent-ils du pouvoir à ceux qui les emploient ?
Une lueur d’approbation passa dans les yeux de Brom :
— Oui, ils en donnent. Ceux qui parlent la langue ancienne ont deux noms. Le premier est celui dont ils se servent dans la vie courante. Il a peu d’importance. Mais le second est leur véritable nom, et il n’est connu que de quelques personnes sûres. Il fut une époque où nul ne dissimulait son vrai nom ; las, les temps ont changé : quiconque connaît ton vrai nom a un énorme pouvoir sur toi. Ta vie est entre ses mains. Nous avons tous un nom caché ; bien peu le connaissent…
— Comment le découvre-t-on ?
— Chez les elfes, c’est instinctif. Seul ce peuple a cette faculté. Les Dragonniers humains partaient souvent en quête pour l’apprendre – ou pour trouver un elfe qui le leur révélerait. Ce qui n’était pas chose facile : les elfes qui acceptent de divulguer leur savoir ne sont pas légion.
— J’aimerais connaître le mien, avoua Eragon, mélancolique.
Brom fronça les sourcils :
— Méfie-toi ! C’est un savoir terrible ! Apprendre qui l’on est vraiment, sans détours ni faux-fuyants, est une expérience dont nul ne sort indemne. Certains sont devenus fous en se retrouvant confrontés à la réalité brute. La plupart tentent ensuite de l’oublier. Cependant, si ce nom risque de donner aux autres un pouvoir sur toi, il te permet aussi de mieux te contrôler… si la vérité ne t’a pas anéanti.
« Je suis certaine qu’elle ne t’anéantira pas », affirma Saphira.
— J’aimerais tout de même le connaître, insista le garçon, déterminé.
— Tu ne te décourages pas facilement ! Tant mieux pour toi : seuls les hommes résolus trouvent leur identité. Pour ma part, je ne te serai d’aucune aide dans cette quête. Il te faudra la mener toi-même.
Brom bougea son bras blessé et grimaça.
— Pourquoi ne pouvons-nous, vous ou moi, vous guérir par magie ? demanda Eragon.
Le conteur plissa les yeux :
— C’est comme ça. Je n’ai jamais estimé que c’était dans mes cordes. Tu en serais sans doute capable si tu prononçais le mot exact ; cependant, je ne veux pas t’épuiser.
— Si ça permet de vous épargner cette gêne et cette souffrance…
— Je m’y ferai. Utiliser la magie pour guérir une blessure nécessite autant d’énergie qu’elle n’en réclame pour guérir naturellement. Et de l’énergie, tu en auras besoin, ces prochains jours. Ne t’attaque pas à une tâche aussi difficile pour l’instant.
— Mais, dites-moi… Si je peux guérir une blessure, est-ce que je peux aussi ressusciter quelqu’un ?
La question prit Brom au dépourvu ; néanmoins, il ne tarda pas à répondre :
— Je t’ai parlé des actes magiques capables de te détruire, souviens-toi. Celui-ci en est un. Pour leur propre sécurité, les Dragonniers n’avaient pas le droit d’essayer de ressusciter les trépassés. Entre la vie et la mort, il y a un abîme où la magie n’a aucune prise. Si tu y plonges, ta force s’évanouira, et ton âme se dissipera dans les ténèbres. Magiciens, sorciers et Dragonniers – tous ont échoué, tous ont payé de leur vie leurs tentatives de franchir le seuil inviolable. Tiens-t’en à ce qui est de l’ordre du possible : coupures, contusions, à la rigueur fractures… mais laisse les défunts en paix.
— C’est beaucoup plus compliqué que je ne l’imaginais, commenta Eragon, perplexe.
— Eh oui ! Si tu ne comprends pas ce que tu fais, tu t’attaqueras à quelque chose de trop grand pour toi, et tu en mourras.
Brom se pencha sur sa selle jusqu’au sol, ramassa une poignée de cailloux, se redressa avec difficulté, puis les jeta, sauf un.
— Tu vois ce galet ?
— Oui.
— Prends-le.
Eragon obéit et examina le caillou. Il n’avait rien d’extraordinaire. Il était plat, noir, poli, gros comme la dernière phalange du pouce. Des pierres de cette sorte, il y en avait des milliers sur le bord de la route.
— Voici ton entraînement, annonça Brom.
Le garçon le regarda, étonné :
— Je ne saisis pas…
— Bien sûr que non ! s’impatienta le conteur. C’est pour cela que je suis le professeur et que tu es l’élève. À présent, tais-toi, ou nous n’arriverons à rien. Je te demande de maintenir ce caillou en l’air le plus longtemps possible. Les mots que tu devras prononcer sont « stenr reisa ». Répète.
— Stenr reisa.
— Très bien. Essaye !
Eragon concentra toute son attention sur le caillou. Il fouilla dans son esprit à la recherche de l’énergie qui avait brûlé en lui la veille, face aux Urgals. La pierre resta immobile dans sa paume tandis qu’il la fixait. Son front se couvrit de sueur. Il sentit l’agacement le gagner. « Comment suis-je censé arriver à faire bouger ce truc ? » Il finit par croiser les bras et grogna :
— Ce n’est pas possible.
— Laisse-moi décider de ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, rétorqua Brom, bourru. Bats-toi ! N’abandonne pas aussi vite ! Essaye encore !
Eragon serra les paupières et tâcha de chasser les pensées parasites. Il prit une grande inspiration et pénétra dans les recoins les plus reculés de sa conscience pour repérer celui où résidait son pouvoir. D’abord, il ne perçut que des réflexions et des souvenirs. Soudain, il palpa quelque chose de différent. Une espèce de petit renflement qui était une part de lui-même sans être tout à fait à lui.
Stimulé, il fouilla pour découvrir ce que cela cachait. Il sentit dans son esprit une résistance, une barrière, mais il était sûr que son pouvoir se trouvait derrière. Il tenta d’y créer une brèche, mais la muraille ne céda pas. Passant de l’excitation à la colère, Eragon fonça à la manière d’un bélier ; et il réitéra l’opération jusqu’à ce qu’il parvînt à faire voler l’obstacle en éclats, comme s’il n’avait été qu’une fine plaque de verre. Un fleuve de lumière inonda son esprit.
— Stenr reisa ! souffla-t-il.
Le galet s’éleva au-dessus de sa paume, qui scintillait doucement. Le garçon lutta pour le maintenir en l’air, mais sa volonté refluait et finit par s’effacer en deçà de la barrière reconstituée. Le caillou retomba dans sa main avec un petit « plop » ; son stigmate cessa de scintiller. Eragon éprouvait une certaine fatigue, mais il souriait de contentement : il avait réussi.
— Pas mal, pour une première fois, reconnut Brom.
— Pourquoi ma main brille-t-elle ainsi, comme une petite lanterne ?
— On ne le sait pas vraiment… Les Dragonniers ont toujours préféré transférer leur pouvoir à travers la paume qui portait la gedwëy ignasia. Tu peux te servir de l’autre main, mais ce n’est pas aussi facile.
Son regard s’attarda sur Eragon un instant :
— Je t’achèterai des gants dans la prochaine ville, si elle n’a pas été détruite. Tu te débrouilles assez bien pour cacher ta marque ; cependant, inutile de courir le risque que quelqu’un la remarque par hasard. De plus, il vaut mieux que ton ennemi ne comprenne pas ce qui l’attend en la voyant palpiter.
— Avez-vous une marque, vous aussi ?
— Non. Seuls les Dragonniers en ont. Sache aussi que la magie est sensible aux distances, tout comme une lance ou une flèche. Si tu essayes de déplacer un objet à une lieue de toi, cela te coûtera davantage d’énergie que s’il est plus près. Par conséquent, si tu aperçois des ennemis, laisse-les approcher avant de recourir à ta magie… Et maintenant, au travail ! Soulève le caillou.
— Encore ? protesta Eragon, fatigué d’avance.
— Oui. Mais plus vite, cette fois ; et plus longtemps !
Ils poursuivirent leurs travaux pratiques le reste de la journée. À la fin, Eragon était vidé, et de fort mauvaise humeur. En quelques heures, il s’était mis à haïr le galet et tout ce qui s’y rapportait. Il leva le bras pour le lancer au loin, mais Brom intervint :
— Non. Garde-le.
Eragon lui jeta un regard furieux et, à contrecœur, rangea la pierre dans sa poche.
— Nous n’avons pas terminé, l’avertit Brom. Ce n’est pas le moment de te reposer.
Il désigna un petit végétal :
— Cette plante s’appelle « delois ».
Il se mit à instruire Eragon en ancien langage, lui donnant des mots à mémoriser, de « vöndr », un bâton mince et droit, à « aiedail », l’étoile du matin.
Le soir venu, les voyageurs s’entraînèrent à l’escrime autour du feu. Même si Brom combattait de la main gauche, son talent de bretteur n’était pas diminué.
Les jours du voyage se succédèrent, semblables les uns aux autres. Le matin et l’après-midi, Eragon s’acharnait à apprendre l’ancien langage et à manipuler le galet. Le soir, il luttait contre Brom avec une épée de bois. Le garçon n’était jamais tranquille ; mais il changeait peu à peu. Presque sans s’en apercevoir.
Bientôt, le caillou cessa de tanguer quand il le maintenait en l’air. Eragon maîtrisait des exercices de plus en plus difficiles. Il progressait dans la connaissance du langage oublié. En escrime, il gagnait en confiance et en vitesse. Il se détendait pour frapper comme un serpent. Ses coups devenaient plus puissants. Son bras ne tremblait plus lorsqu’il parait les attaques de Brom. Les affrontements duraient plus longtemps, car Eragon avait appris à trouver la faille dans la garde de son adversaire. Désormais, quand ils allaient se coucher, le garçon n’était plus le seul à compter ses bleus !
Saphira continuait à grandir, même si sa croissance était plus lente qu’auparavant. Ses longs vols et ses chasses sporadiques la gardaient en forme et en bonne santé. Elle était maintenant plus haute que les chevaux, et bien plus longue. Sa taille et ses écailles étincelantes la rendaient terriblement visible. Brom et Eragon s’en inquiétaient, mais ils ne parvinrent pas à la convaincre de se rouler dans la poussière afin d’altérer l’éclat de son scintillement.
Ils filaient toujours plein sud, sur les traces des Ra’zacs. Ils avaient beau aller vite, les tueurs conservaient toujours leur avance. Eragon en éprouvait une telle frustration qu’il était parfois tenté d’abandonner. C’est alors qu’un indice – une marque plus fraîche – ravivait son espoir défaillant.
Les voyageurs mirent longtemps avant d’apercevoir des traces d’habitation sur les rives du Ninor. Pendant des jours et des jours, ils n’en avisèrent aucune. Puis ils approchèrent de Daret, le premier village depuis Yazuac.
La nuit précédant leur arrivée, les rêves d’Eragon furent particulièrement nets.
Il vit Garrow et Roran à la ferme, assis dans la cuisine détruite. Ils l’imploraient de reconstruire la ferme. Et lui, le cœur serré, se contentait de secouer la tête. « Je traque tes assassins », expliquait-il à son oncle.
Garrow posa sur lui des yeux interrogatifs : « Tu trouves que j’ai l’air mort ? »
« Je ne peux rien pour toi », murmura Eragon, des larmes dans les yeux.
Soudain, un rugissement retentit… et Garrow se transforma en deux Ra’zacs.
« Alors, crève ! » lancèrent-ils.
Et ils se précipitèrent sur Eragon, qui se réveilla en sursaut. Il se sentait mal. Il contempla la lente révolution des étoiles dans le ciel.
« Tout va bien se passer, petit homme », dit alors Saphira doucement.